Récapitulatif n°20 – 09/08/2012

 

Je crois que c'est dans les moments comme ça que j'aime la science. Quand on se rend compte qu'on s'est vraiment trompés, et que ce qu'on croyait avoir commencé à comprendre… n'est pas vraiment ce que l'on pensait. J'espère que vous aimez la cristallo.

 

Mais je vais commencer par raconter une histoire.

Il était une fois trois jeunes qui travaillaient sur leur projet pour voir la matière (une sombre histoire de modélisation à plus grande échelle des phénomènes d'interaction entre la lumière et la matière, il me semble). C'est ainsi qu'ils en sont arrivés à passer des concours, et donc à réaliser des posters, des diapos. Quelle ne fut pas leur surprise quand ils se rendirent compte qu'un des mots qu'ils utilisaient depuis des mois dans leur diapo n'existait pas !

 

Et oui, le mot « syphon » n'existe pas (© Maman de Yohann), il s'agit en fait d'un étonnant mélange de typhon (cyclône, ouragan) et de siphon (tuyau recourbé ou appareil permettant à deux liquides de communiquer). Cela nous a fait bien rire, au vu des concours que nous avions passé, des oraux que nous avions fait devant des chercheurs et des scientifiques. Mais personne ne nous l'a dit ! Nous avons donc décidé de le laisser pour le concours C.Génial, car il correspondait quand même très bien à ce que nous voulions. Clic droit, ajouter au dictionnaire. Le syndrôme du syphon : raconter des petites bêtises sans s'en rendre compte… pas tout de suite en tout cas.

 

 

Mais revenons un an en arrière. Nostalgie. Assis sur une tondeuse, le bon vieux crayon des olympiades à la main, on dessine ce qui sera la structure de notre cristal de verre et de billes. On le rappelle : on sépare tous nos tubes de 4 cm, à l'intérieur desquels on met des billes tous les 4 cm, plus ou moins. Tandis que le premier tube contient une bille à 2 cm du support, le deuxième tube contient une bille à 4 cm du support, et on alterne ainsi.

 

 

A l'époque, on pense qu'il s'agira d'un cristal hexagonal. Quelques semaines après, on apprend qu'il s'agit en fait d'un cristal cubique à faces centrées. Puis à 20h45, ce jeudi 9 août 2012, je me rends compte que nous avons construit un cristal orthorhombique à faces centrées.

 

http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seau_de_Bravais

 

C'est donc officiel, nous avons un orthorhombique :

Issu de http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/94/Reseaux_3D_oF.png

 

 

Nous sommes donc sous le coup d'un syndrôme du syphon, avec des conséquences d'assez haut niveau. En effet, lors de nos différents oraux, nous avons toujours considéré que nous avions un cubique à faces centrées. A noter que la structure cristalline est parfois difficile à identifier. Dans le dossier rendu pour EUCYS, nous avons un cubique à faces centrées.

 

Corollaire 1 :

- C'est dommage.

Corollaire 2 :

- Dans la mesure où les calculs pour connaître les angles qui diffractent selon les familles ont été réalisés en prenant une structure triclinique (donc modifiable et adaptable à toutes les structures), il n'y a pas de problème au niveau des calculs des angles pour lesquels on devrait avoir diffraction. Sauf que…

 

Dans le billet précédent, on voit que nous avons essayé de retrouver nous-mêmes les calculs permettant de savoir quelle famille du plan cristallin diffracte (et quelle famille est détectable avec notre dispositif) en fonction de la structure, et pour quels angles.

 

Fournissant un gros travail, Yohann a réalisé un joli fichier Excel qui permet de faire cela. (Il est possible que nous posions un brevet dans les jours qui viennent !) Ainsi, en entrant les paramètres de la maille de départ, on trouve les caractéristiques de la maille élémentaire, et on retrouve grâce à la loi de Bragg et la formule liant la distance interréticulaire d aux indices de Miller (pour un cristal triclinique, ce qui complique un peu les choses) les angles pour lesquels on observe diffraction !

Les calculs compris et réalisés, nous sommes en mesure de tâtonner et de modifier les paramètres de base du cristal pour savoir à quoi s'attendre si on réalise un diffractogramme.

Nous pensions pouvoir modifier un peu les paramètres de la maille de départ en prenant en compte les distorsions visibles sur notre cristal pour retrouver des angles théoriques qui correspondraient aux angles pour lesquels on obtient des pics de diffraction, et ainsi quantifier la distorsion de notre cristal. (Cette phrase est un peu difficile).

 

NB : On va désormais utiliser un vocabulaire plus précis (j'espère d'ailleurs ne pas me tromper) : la maille élémentaire est à distinguer de la maille conventionnelle (appelée jusque-là maille de départ).Sur l'image ci-dessus, la maille conventionnelle est donc formée par les trois vecteurs constituant les axe du repère tandis que la maille élémentaire est définie par les centres des faces formées par cette maille conventionnelle. Je ne cache pas que j'ai pas mal de pages Wikipedia d'ouvertes, réseau de Bravais, structure cristallographique, etc.

 

 

 

En établissant cette distinction, on peut expliquer un peu mieux quelle structure nous avons. Pour un réseau cubique à faces centrées, la figure formée par la maille conventionnelle est un cube, ou plutôt c'est un cube qui définit cette maillé conventionnelle. Or, ce n'est pas le cas de notre cristal. Notre cristal a pour maille conventionnelle un parallélépipède rectangle. Les angles sont tous à 90° (c'est donc bien un orthorhombique), de paramètres 8 cm et 8 cm selon les axes x et y, et 4 cm selon l'axe z (nous considérons par habitude que l'axe z est vertical et que les axes x et y sont horizontaux, nous les employons indifféremment dans ce billet, cela n'a pas vraiment d'importance au vu de notre structure).

 

 

Il faut savoir que pour calculer les angles pour lesquels nous sommes censés avoir diffraction avec ce cristal, nous avons utilisé les paramètres de 8 cm dans les trois directions de l'espace ce qui, c'est ce dont nous nous sommes rendu compte, est une erreur. Donc on pourrait s'attendre, si on rentre les véritables paramètres de la maille dans le logiciel (parenthèse : ce « logiciel » sous Excel est très bien, et il ne lui manque qu'une modélisation de diffractogramme, mais c'est à voir…) on pourrait s'attendre à avoir des résultats qui concordent plus avec ce que l'on obtient, c'est-à-dire des pics pour des angles de 38°, 44°, 55°, 60°, 80°, 82°, 87°, 98° et 109°. Mais ce n'est pas les cas et avec un 8 cm sur l'axe x, 8 cm sur l'axe y et 4 cm sur l'axe z, on obtient moins d'angles pour lesquels il y a diffraction, et ces angles correspondent encore moins à nos résultats, même en distordant un peu la maille. Il ne s'agit pas d'une erreur de calcul, pas dans l'obtention des angles théoriques selon la maille en tout cas, après comparaison avec le logiciel WinCRIST qui donne les mêmes résultats.

 

Maille élémentaire tetragonal faces centrées

Résumons. Nous avons un cristal orthorhombique à faces centrées. Si le modèle théorique « cubique faces centrées » ne correspondait pas à nos résultats, le modèle théorique orthorhombique encore moins.

Le tâtonnement est rendu difficile dans la mesure où pour obtenir des angles théoriques qui correspondent à nos résultats expérimentaux (et donc quantifier la distorsion du cristal), il faudrait distordre la maille conventionnelle relativement fortement, un peu trop même, la distorsion ne correspondrait pas à l'apparence du cristal. Ce qui est fortement embêtant, même si nous savons que nous faisons une moyenne des erreurs de construction du cristal.

On pourrait presque se dire qu'on s'en fiche que ce soit un orthorhombique, du moment que l'on trouve les paramètres de la maille qui correspondent avec nos résultats. Mais il faut que le modèle trouvé soit cohérent avec ce que nous avons construit.

 

La solution ? Joker. Avons-nous raison dans ce billet ? Nous trompons-nous du tout au tout ? Nous allons continuer à réfléchir, à chercher. Après tout, c'est ça, la science. Damien est en vacances, mon gars tu vas avoir des jolies surprises en rentrant. Le concours est dans un mois et demi.

 

Ami lecteur, à bientôt.

 

Post Cryptum : après réflexion, nous avons choisi de publier les deux derniers billets, et cela en français. Le blog est après tout, à l'origine, l'espace sur lequel on peut échanger, et les problèmes (éphémères je n'en doute pas…) que nous rencontrons actuellement ne nous permettent pas de discourir en anglais sans rendre notre propos incompréhensible. Nous faisons donc le choix de privilégier la compréhension à la pratique de l'anglais, temporairement bien sûr. Par ailleurs, je trouve que tout ceci est plus vivant, que dis-je ? plus humain (plus amusant aussi), et puisque nous rédigeons notre cahier de laboratoire en ligne, disons tout ce que nous pensons. Le poster a été réalisé, le speech doit être préparé, notamment lorsque nous serons tous les trois réunis.